Seul le représentant permanent de la personne morale dirigeante d’une SAS peut être condamné pour insuffisance d’actif
Une SAS est dirigée par une personne morale, qui a désigné un représentant permanent. Par ailleurs, cette personne morale est elle-même dirigée par une personne physique.
La SAS est mise en redressement puis en liquidation judiciaires. À la demande du liquidateur, le dirigeant personne physique est condamné pour insuffisance d'actif.
La Cour d’appel confirme cette décision, mais la Cour de cassation censure l’arrêt. En effet, conformément à l'article L. 651-1 du Code de commerce, la responsabilité pour insuffisance d'actif est applicable aux personnes physiques représentants permanents des dirigeants personnes morales.
De ce fait, lorsqu'une SAS est dirigée par une personne morale qui a désigné un représentant permanent conformément aux statuts de cette société, la personne physique dirigeant cette personne morale ne peut voir sa responsabilité pour insuffisance d'actif engagée si elle n'a pas également la qualité de représentant permanent.
Cass. com., 20-11-2024, n° 23-17.842
Décisions collectives de SAS : les statuts ne peuvent pas prévoir une adoption à la minorité
Les statuts d’une SAS prévoient que « les décisions collectives des associés sont adoptées à la majorité du tiers des droits de vote des associés, présents ou représentés. »
Ainsi, lors d’une AGE, l’augmentation du capital social par l'émission de nouvelles actions est validée, alors qu’elle n’a remporté que 46 % des voix.
La Cour d’appel valide l’application de la clause statutaire, avant d’être censurée par la chambre commerciale de la Cour de cassation, qui considère qu’une résolution de SAS doit être adoptée à la majorité simple des votes exprimés. Mais la Cour d’appel, saisie sur renvoi après cassation, maintient sa position initiale.
C’est donc l’assemblée plénière de la Cour de cassation qui est amenée à se prononcer. Elle rappelle tout d’abord que selon l’article 1844 du Code civil, tout associé a le droit de participer aux décisions collectives. L’idée mise en avant est que seul un scrutin majoritaire permet d’appliquer concrètement ce caractère collectif. La Cour se fonde également sur l'article L. 227-9 du Code de commerce, qui énonce que les décisions de SAS visées par les statuts ou la loi doivent être votées collectivement.
Ainsi, une décision collective d'associés ne peut être tenue pour adoptée que si elle rassemble le plus grand nombre de voix. À défaut, la collectivité des associés pourrait adopter, lors d'un même scrutin, deux décisions contraires.
La Cour en déduit que la décision collective d'associés d'une SAS, prévue par les statuts ou imposée par la loi, ne peut être valablement adoptée que si elle réunit au moins la majorité des voix exprimées. Toute clause statutaire contraire est réputée non écrite. Enfin, elle tire les conclusions de cette règle en annulant la décision d’AGE litigieuse.
Cass. ass. plén., 15-11-2024, n° 23-16.670
À retenir :
1/ Dans une SAS, la décision des associés d’augmenter le capital ne peut être adoptée que si elle recueille la majorité des voix exprimées.
2/ Les statuts ne peuvent pas prévoir d’exception à ce principe. Toute clause contraire est réputée non écrite, et les décisions collectives qui violent cette règle impérative sont nulles.
Le rôle du juge lorsque le salarié ne qualifie pas les faits discriminatoires
Un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail, puis il saisit la juridiction prud'homale pour constater que la rupture produit les effets d'un licenciement nul. Il invoque l’absence de réaction de l’employeur à la dénonciation des propos racistes dont il a fait l’objet, et des reproches relatifs à sa vie privée.
La Cour d’appel estime que la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et non nul. En effet, elle retient qu'aucune pratique discriminatoire de l'employeur ne peut être retenue, car le salarié n'a pas indiqué de quelle mesure discriminatoire il aurait été victime.
La Cour de cassation écarte ce raisonnement. En effet, la discrimination inclut tout agissement lié à l’un des motifs discriminatoires subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.
Or, la Cour d’appel a constaté que le salarié avait écrit à son employeur pour se plaindre de propos racistes tenus depuis des mois par ses supérieurs hiérarchiques sur son lieu de travail, qu’il soutenait que l’un d’entre eux saluait tout le monde sauf lui et qu’il se plaignait d’avoir été convoqué pour se voir reprocher une relation amoureuse avec une autre salariée. Dès lors, l’employé présentait des éléments de fait relatifs à des agissements discriminatoires en raison de son origine.
Les juges du fond auraient donc dû mettre en œuvre le régime probatoire applicable aux discriminations :
Le juge recherche d’abord si le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une telle discrimination. Peu importe que l’employé ne qualifie pas expressément les faits rapportés de mesure discriminatoire.
Puis, il lui appartient de rechercher si l’employeur démontre que les mesures prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Cet arrêt permet également d’établir que les propos à caractère raciste dont un salarié fait l’objet peuvent être qualifiés de harcèlement discriminatoire, au sens de l'article 1er, alinéa 3, de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008.
Cass. soc. 14-11-2024, n° 23-17.917
L’absence de signature du solde de tout compte n’a aucun effet sur la prescription
Un salarié est licencié par lettre du 11 avril 2013, avec dispense d'exécution de son préavis. Du fait de son incarcération, il ne signe pas son reçu pour solde de tout compte. Le 7 décembre 2017, il saisit le Conseil de prud’hommes de demandes en paiement de sommes au titre dudit solde de tout compte et de dommages-intérêts.
L’employeur oppose au salarié la prescription de son action. Toutefois, la Cour d’appel considère que le solde de tout compte n'ayant jamais été signé par l’employé, il est dénué d'effet libératoire, et la prescription n'a jamais commencé à courir.
Tout d’abord, la Cour de cassation rappelle deux règles distinctes :
Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature par le salarié, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.
Toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans, du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit (selon l'article L. 1471-1 du Code du travail dans sa rédaction applicable à la date des faits).
Elle en déduit que si le solde de tout compte non signé par le salarié n'a pas valeur de preuve du paiement des sommes qui y sont mentionnées, l’absence de signature n'a aucun effet sur le délai de prescription. Celui-ci ne court pas ou n'est suspendu qu'en cas d'impossibilité d'agir à la suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.
Or, aucune cause d'interruption ou de suspension du délai de prescription n’était caractérisée ici, donc l’action du salarié était prescrite.
Cass. soc., 14-11-2024, n° 21-22.540
Une salariée de résidence pour seniors non vaccinée contre le covid-19 peut voir son contrat suspendu
Une salariée travaillant en tant qu’agent technique et d'entretien est affectée dans une résidence pour personnes âgées. Le 5 octobre 2021, l'employeur lui notifie la suspension de son contrat de travail et de sa rémunération à la suite du refus de présentation d'un « passe sanitaire ».
La salariée saisit la juridiction prud'homale statuant en référé d'une demande de réintégration et de reprise du paiement des salaires. Elle fait valoir son droit à la liberté d'opinion et au respect de sa vie privée et familiale.
La Cour de cassation confirme le raisonnement de la Cour d’appel. Elle relève notamment que :
Selon la jurisprudence de la CEDH, lorsqu'il apparaît qu'une politique de vaccination volontaire est insuffisante pour l'obtention et la préservation de l'immunité de groupe, les autorités nationales peuvent raisonnablement mettre en place une politique de vaccination obligatoire, et l'avis critique sur la vaccination n'est pas de nature à constituer une conviction atteignant un degré suffisant de force, de sérieux, de cohérence et d'importance pour entraîner l'application des garanties de l'article 9 de la CEDH.
L'absence de vaccination par la salariée démontrait bien que l'obligation vaccinale imposée pour permettre l'exécution normale du contrat de travail des personnels des entreprises recevant un public particulièrement fragile ne portait pas atteinte à la liberté de disposer de son corps, et faisait ressortir l'absence d'ingérence dans le droit à la dignité de la personne humaine.
Il n’y a donc ni discrimination, ni trouble manifestement illicite, ni dommage imminent.
Cass. soc., 20-11-2024, n° 23-17.886
➥ La loi n° 2024-1027 du 15 novembre 2024 proroge pour une durée de quatre ans l’expérimentation du CDI Employabilité. Ce type de contrat peut être proposé par un entrepreneur de travail à temps partagé (ETTP) à des personnes rencontrant des difficultés particulières d’insertion professionnelle. Néanmoins, le texte en resserre les conditions d'éligibilité. Il précise également les droits de tous les salariés mis à disposition dans le cadre d'un contrat de travail à temps partagé et embauchés par l'entreprise utilisatrice.
➥ Attention ! Les nouveaux modèles d’avis d'inaptitude ou d'aptitude, de proposition d'aménagement de poste et d’attestation de suivi ont été abrogés par un arrêté du 5 novembre 2024. En effet, leur récente mise à jour par un arrêté du 26 septembre 2024 a causé d’importantes difficultés d’application. Cette abrogation a ainsi pour objectif de laisser le temps aux utilisateurs d’anticiper les nouveautés. Les nouveaux modèles devraient donc entrer en vigueur courant 2025.
✔ L’Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail (ANACT) a publié cinq conseils pour préparer la renégociation des accords de télétravail. En effet, beaucoup d’accords conclus pendant la crise du covid-19 arrivent à échéance.
✔ Les entreprises concernées par la directive dite CSRD publieront en 2025 leurs premières informations en matière de durabilité. Celles-ci doivent être certifiées, et la H2A avait publié une FAQ pour accompagner les professionnels concernés. Ce document a été mis à jour, afin de répondre aux premières interrogations des vérificateurs sur les conditions à remplir pour signer un rapport de certification des informations en matière de durabilité.
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