Les titulaires d'actions de préférence sont exclus du vote sur la modification de leurs droits
Une SAS décide de créer des actions de préférence donnant droit à un dividende prioritaire. Le montant de celui-ci est ensuite réduit en assemblée générale. Des actionnaires détenant ces titres demandent la nullité de ces résolutions.
Ils s’appuient sur l’article L. 228-15 alinéa 2 du Code de commerce, qui prévoit qu’au moment de la décision d’instaurer une nouvelle catégorie d’actions de préférence, les titulaires des titres devant être convertis en actions de cette catégorie ne peuvent pas prendre part au vote.
La Cour d’appel écarte leur demande. Elle considère que cette règle n’est pas applicable, puisque le vote ne portait pas sur la création d’une action de préférence, mais sur la modification des modalités de rémunération d’actions de préférence déjà existantes.
Au contraire, la Cour de cassation estime que la modification des droits attachés aux actions de préférence, qui entraînait un changement de catégorie de ces titres, constituait une conversion d’actions au sens de l’article L. 228-15 alinéa 2. Peu importe que ces actions continuaient d’être désignées sous le même intitulé. Par conséquent, les associés titulaires d’actions de préférence n’auraient pas dû prendre part au vote, et les résolutions concernées sont nulles.
Ainsi, il faut considérer que toute opération emportant modification des droits attachés à des actions d’une catégorie constitue une conversion de ces titres en actions d'une autre catégorie.
Cass. com., 10 juill. 2024, n° 22-15836
L’ajout d’une clause au dernier moment dans un acte de cession d’actions est-il constitutif de violence économique ?
Des époux avaient cédé l’intégralité des actions de leur société. L’acte de cession contenait une clause d’ajustement de prix, prévoyant qu’en cas d’insuffisance des fonds propres restructurés de la société cédée par rapport à un montant déterminé, à une date postérieure à la cession, les cédants devraient verser une somme compensant cette différence.
L’acheteur ayant actionné cette clause, les vendeurs ont invoqué sa nullité. Selon eux, celle-ci leur avait été imposée dans le cadre d’un abus de dépendance économique, constitutif d’un vice du consentement.
Pour le démontrer, ils avançaient le raisonnement suivant :
Ils avaient refusé l’insertion de la clause lors des discussions initiales, et elle ne figurait pas dans la lettre d’intention « irrévocable » qui avait été conclue.
Sur la base de cette lettre d’intention, les cédants avaient procédé à des restructurations de leur entreprise, demandées par le cocontractant (départ de plusieurs salariés, fermeture d'un établissement secondaire, acquisition des actions qu'ils ne détenaient pas encore).
La veille de la signature de l’acte de cession, alors que les vendeurs ne pouvaient plus revenir sur ces actes préparatoires, l’acheteur a réintroduit la clause d’ajustement de prix. Du fait de ce comportement déloyal, les époux se trouvaient alors dans l’impossibilité de refuser les conditions demandées.
La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel, en retenant que l’abus de dépendance n’est pas caractérisé. En effet :
Les vendeurs avaient été assistés de leur avocat et de leur expert-comptable tout au long des négociations.
Ils ne démontrent pas avoir tenté, avant la signature de l'acte de cession, de s'opposer aux nouvelles demandes de la société acheteuse.
Par un avenant conclu le jour même de la signature de l'acte de cession, les parties ont apporté des précisions à la clause d’ajustement de prix. Cela prouve que des négociations sur le prix définitif ont eu lieu le jour de la conclusion de l’acte. La Cour confirme ainsi que le juge peut se fonder sur des éléments concomitants ou postérieurs à la date de formation du contrat afin d'apprécier la réalité du vice du consentement.
Dès lors, les époux avaient conservé la faculté de refuser les exigences de l’acquéreur, et aucun abus n'était caractérisé.
Cass. com., 10 juillet 2024, n° 22-21.947
À retenir :
1/ L'abus de l'état de dépendance des cédants à l'égard du cessionnaire n’est pas établi lorsque les cédants ont conservé la faculté de ne pas se plier à ses demandes.
2/ Le vice du consentement peut s’apprécier au vu d’éléments concomitants ou postérieurs à la date de conclusion du contrat.
Expertise pour risque grave : l’expert peut auditionner les salariés sans l’accord de l’employeur
Le CHSCT d’un groupe hospitalier avait décidé de recourir à une expertise, au vu d’un risque grave pour les employés de la direction des ressources humaines.
L’hôpital a notamment demandé en justice la réduction du coût de l'expertise. Il estimait que si l'expert a accès aux locaux de l'entreprise et détermine librement ses méthodes de travail, il ne dispose d'aucun pouvoir d'audition des membres du personnel.
La Cour de cassation rappelle que l’employeur doit fournir à l’expert agréé les informations nécessaires à l'exercice de sa mission. De plus, elle souligne que le CHSCT contribue à la promotion de la prévention des risques professionnels dans l'établissement et suscite toute initiative qu'il estime utile dans cette perspective.
De ce fait, si l'expert désigné dans le cadre d'une expertise pour risque grave considère que l'audition de certains salariés de l'entreprise est utile à l'accomplissement de sa mission, il peut y procéder. Il n’a pas besoin d’obtenir l’accord de l’employeur, mais uniquement celui des salariés concernés.
En cas de contestation par l'employeur, il appartient au juge d'apprécier la nécessité des auditions prévues par l'expert au regard de la mission de celui-ci.
Pour mémoire, dans une affaire concernant un expert-comptable désigné par le CSE dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise, la Cour de cassation avait jugé à l’inverse que l’accord de l’employeur était nécessaire pour auditionner les salariés (Cass. soc., 28 juin 2023, n° 22-10.293). Toutefois, cette jurisprudence ne devrait pas être remise en cause par ce nouvel arrêt, portant sur un cas d’expertise distinct.
Cass. soc., 10 juillet 2024, n° 22-21.082
Entreprises SYNTEC : du nouveau pour vos forfaits jours
Depuis le 1ᵉʳ juillet 2024, de nouvelles dispositions sont applicables au forfait jours dans les entreprises relevant du champ d’application de la convention collective SYNTEC-CINOV. En effet, l’Avenant n°2 du 13 décembre 2022 à l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée de travail est entré en vigueur.
Ce texte étend la possibilité de bénéficier du régime de forfait annuel en jours. Il est désormais accessible aux salariés en position 2.3 de la grille de classification des cadres, sous réserve que leur rémunération annuelle soit au moins égale à 122 % du minimum conventionnel de leur catégorie.
De plus, il apporte des précisions concernant :
le respect des temps de repos ;
le suivi de la charge de travail, notamment via l’obligation de réaliser au moins un entretien individuel par an ;
le droit à la déconnexion.
Attention : si vous avez un accord d’entreprise sur le forfait jours, votre accord prime sur la convention SYNTEC. De ce fait, pour appliquer ces nouveautés, vous devez conclure un avenant à votre accord, puis des avenants aux conventions individuelles de forfait jours de vos salariés.
Leclerc condamné à une amende de 38 millions d’euros pour non-respect de la date butoir des négociations commerciales
Le 14 août 2024, la DGCCRF a rendu publique une amende de 38 067 000 € infligée à la centrale d’achat européenne du groupe E. Leclerc. Son motif : le non-respect de la date butoir applicable à la signature des contrats fournisseurs. Soixante-deux manquements à cette obligation ont été relevés, sans que l’on connaisse la durée de ces retards.
La date limite des négociations commerciales est habituellement fixée au 1ᵉʳ mars. Mais pour 2024, elle a été avancée au 15 janvier pour les fournisseurs dont le chiffre d’affaires est inférieur à 350 millions d’euros, et au 31 janvier pour les fournisseurs dont le chiffre d’affaires est supérieur ou égal à 350 millions d’euros. L’objectif était d’obtenir une répercussion rapide en magasin des baisses de prix de l’énergie et des matières premières agricoles.
Caractère déterminable du prix de cession de titres dépendant partiellement du cessionnaire
L’associé d’une société avait apporté l’intégralité de ses parts à une société tierce, en contrepartie de l'émission de bons de souscription d'actions à son profit. De plus, le cédant devenait salarié de la société. L’acte de cession prévoyait que les bons seraient caducs en cas de licenciement pour faute grave dans les cinq ans de la date de souscription.
Ce licenciement étant advenu, le cédant estime que l’apport de titres est dépourvu de contrepartie et en demande l’annulation.
La Cour d’appel juge que le prix de cession des parts était indéterminable et donc inexistant. Selon elle, le licenciement pour faute grave ne constituait pas un événement indépendant de la volonté des parties, puisque la qualification de faute grave reste de la seule compétence de l'employeur. Elle prononce donc la nullité de l’apport.
Mais la Cour de cassation casse l’arrêt. Si le prix de la vente doit bien être déterminé et désigné par les parties, cette règle n'impose pas que l'acte indique lui-même le prix. Il suffit que celui-ci soit déterminable. Cette condition est respectée lorsqu'il est lié à la survenance d'un événement futur ne dépendant pas de la seule volonté de l'une des parties ni d'accords ultérieurs entre elles.
Or, le licenciement pour faute grave du demandeur ne dépendait pas de la seule volonté de la société, mais de circonstances objectives susceptibles d'être contrôlées judiciairement.
Cass. com., 10 juillet 2024, n° 22-15.651
➥ Nous vous l’avions indiqué dans nos actualités du 16 avril dernier : la Cour de cassation a interdit toute condition d'ancienneté pour bénéficier des activités offertes par le CSE. Or, l'Urssaf admettait jusqu’à présent une condition d’ancienneté pour l’attribution des prestations (dans la limite de 6 mois) sans que cela remette en cause leur exonération de cotisations et contributions sociales. Elle accorde aux CSE un délai courant jusqu’au 31 décembre 2025 pour modifier les critères de versement de ces prestations et ainsi se mettre en conformité.
➥ Si votre entreprise est immatriculée au RNE, vous pouvez désormais obtenir une attestation d'immatriculation délivrée par l’INPI. Celle-ci permet de prouver l'existence légale de votre entreprise. Sauf preuve contraire, l'attestation fait foi des informations qui y sont contenues et qui sont inscrites au RNE au moment de sa délivrance. Un arrêté du 29 juillet 2024 précise ses modalités de délivrance et les informations qui doivent y figurer.
➥ Un décret du 30 juillet 2024 a prolongé les règles actuelles de l’assurance-chômage jusqu’au 31 octobre 2024. Ce régime devait initialement prendre fin le 1ᵉʳ juillet 2024, mais le texte fixant les nouvelles règles d’indemnisation et d’affiliation n’a pas été publié, du fait de la démission du gouvernement à la suite des élections législatives.
✔ Conformément à la loi de partage de la valeur du 29 novembre 2023, à compter du 1ᵉʳ janvier 2025, les entreprises de 11 à 49 salariés devront mettre en place un dispositif de partage de la valeur dès lors :
qu’elles sont constituées sous forme de société ;
et qu’elles réalisent un bénéfice net fiscal positif au moins égal à 1 % du chiffre d'affaires pendant trois exercices consécutifs.
Le ministère du Travail détaille les modalités de cette obligation dans un nouveau « questions/réponses ». Il vient compléter les deux guides préexistants : le premier relatif à l’expérimentation permettant d’instaurer un dispositif de participation dérogeant à la formule légale et le second à l’augmentation exceptionnelle des bénéfices et modalités de partage de la valeur qui en découlent.
✔ La Commission européenne a publié son projet de lignes directrices sur les abus de position dominante, pour lequel elle lance une consultation publique. Les parties intéressées sont invitées à soumettre leurs commentaires jusqu’au 31 octobre 2024. La version définitive est prévue courant 2025.
✔ Le ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités a publié un guide de sensibilisation des membres des CSE à la prévention et à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine. Il vise à les informer sur leurs compétences en matière de lutte contre l’ensemble des discriminations ainsi que sur les outils à leur disposition pour les combattre et les prévenir.
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