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Actualités juridiques du 31 mars 2025

  • francoistouchard
  • il y a 6 jours
  • 6 min de lecture



Rubrique Droit commercial




Rupture de relations commerciales : peut-on modifier les conditions antérieures pendant le préavis ?


La société Sport Elec et la société Decathlon entretenaient des relations commerciales depuis 23 ans.


Par une lettre du 27 juin 2017, Decathlon informe son fournisseur d'une réduction de 15 % de ses achats pour l'année 2018. Le 26 janvier 2018, elle lui annonce sa volonté de rompre la relation à compter du 1er janvier 2021, en précisant que ses achats passeraient de 800 000 euros en 2017 à 600 000 euros en 2018, puis 500 000 euros en 2019 et 200 000 euros en 2020, avant l'arrêt total et définitif de la relation.


Reprochant à Decathlon d'avoir brutalement rompu la relation commerciale établie entre elles, Sport Elec l'assigne en réparation de son préjudice. Elle estime que la relation d’affaires aurait dû, pendant la durée du préavis, se poursuivre aux conditions antérieures : l’activité ne pouvait pas diminuer progressivement.


Mais la Cour de cassation confirme l’analyse de la Cour d’appel. Elle rappelle que si la relation commerciale doit se poursuivre aux conditions antérieures pendant l'exécution du préavis (sans changement substantiel), des circonstances particulières peuvent justifier des modifications.


Or, la Cour relève notamment que :

  • Le préavis accordé (35 mois) dépassait de plus de deux ans la durée consacrée par les usages (10 mois).

  • Il n'existait aucune relation d'exclusivité entre les parties, ni aucun investissement de la société Sport Elec au titre de cette relation.

  • La part du chiffre d'affaires réalisé par Sport Elec avec Decathlon n’était que de 24 %.

  • La baisse de volume en 2018 par rapport à 2017, qui n'est que de 15 %, ne constituait pas une modification substantielle.


Dès lors, les juges valident l'existence de circonstances particulières autorisant Décathlon à ne pas maintenir les conditions antérieures au-delà de la première année d'exécution du préavis.


La rupture de la relation commerciale établie n’était donc pas brutale.


Cass. com., 19-03-2025, n° 23-23.507



Rubrique Focus Droit des sociétés





Reprise des actes passés au nom d’une société en formation : la mention d’une faculté de substitution ne suffit pas !


La société DEC conclut un protocole avec M. X, prévoyant que ce dernier deviendrait associé de la société DEC en réalisant un apport en numéraire. Le document indique que M. X agit « tant pour son compte personnel que pour celui de tout tiers de son choix ».


En exécution de cet accord, la société MJM effectue deux virements sur le compte de la société DEC. Les associés de la société MJM décident ensuite de reprendre tous les actes souscrits en son nom préalablement à son immatriculation au RCS, dont le protocole conclu entre M. X et la société DEC.


À ce titre, M. X et la société MJM demandent l'indemnisation du préjudice subi du fait de l'inexécution de cet accord par la société DEC.


Toutefois, la Cour de cassation estime qu’il n’y a pas de reprise du protocole. Elle confirme l’analyse des juges d’appel : l’intention des parties d’autoriser la reprise de l’acte n’est pas caractérisée.


En effet, la possibilité de substitution par tout tiers démontre l’absence de volonté des parties de conclure le protocole au nom ou pour le compte d'une société en formation.


Cass. com., 12-02-2025, n° 23-22.414


À retenir : 

Créateurs de sociétés : si vous passez des actes avant l’immatriculation de votre société, mais qu’ils ne sont pas repris après son immatriculation, vous serez tenus personnellement des obligations qui en découlent.


Or, les juges du fond doivent rechercher l'intention commune des parties de conclure l'acte pour le compte de la société à naître.


Le plus sûr est donc de mentionner expressément dans l’acte qu’il est conclu pour le compte de la société en formation !


Jurisprudence sur la reprise d'actes par une société en formation


Rubrique Droit social




Dépit amoureux et licenciement : le directeur éconduit qui envoie des e-mails pressants à une collaboratrice commet une faute grave


Le médecin du travail alerte l’employeur sur la situation de mal-être d'une collaboratrice, potentiellement délétère pour sa santé, du fait du comportement déplacé d’un autre salarié.


Les deux intéressés avaient noué une relation en dehors du lieu de travail. Toutefois, la collaboratrice avait clairement indiqué qu'elle souhaitait en rester à une relation professionnelle. Le salarié lui avait pourtant adressé sur sa messagerie professionnelle des e-mails de plus en plus insistants et n'hésitant pas à faire valoir sa qualité de membre du comité directeur.


Le salarié est licencié pour faute grave, mais il engage une action afin de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse.


La Cour de cassation rappelle que :


  • Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut pas en principe justifier un licenciement disciplinaire, à moins qu'il constitue un manquement du salarié à une obligation découlant de son contrat de travail.


  • Tout salarié doit prendre soin de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles de ses collègues et autres personnes se trouvant en sa présence sur son lieu de travail, et ce, en fonction de sa formation et de ses possibilités.


Dès lors, elle confirme la position des juges d’appel, qui ont relevé que les faits dénoncés ont eu lieu :


  • sur le lieu et le temps du travail,

  • de la part d’un salarié dans une position hiérarchique élevée, peu important que la collaboratrice ne soit pas sous sa subordination directe,

  • dans le but d'obtenir une explication en raison d'un possible dépit amoureux ou aux fins d'entretenir une relation malgré le refus clairement opposé par la salariée.


Ainsi, ce comportement constitue un manquement à ses obligations découlant du contrat de travail, incompatible avec ses responsabilités. Une telle attitude, de nature à porter atteinte à la santé psychique d'une autre salariée, rendait impossible son maintien au sein de l'entreprise.


Cass. soc., 26-03-2025, n° 23-17.544



Rubrique Bon à savoir




Préparer une activité concurrente, est-ce déjà une violation de la clause de non-concurrence ?


Un franchisé est tenu par une clause de non-concurrence, par laquelle il s'est engagé à ne pas exercer, directement ou indirectement, en dehors du réseau et pendant toute la durée du contrat, une activité concurrente.


Or, il crée plusieurs sociétés, dépose diverses marques, et en informe ses clients par courriel et une publication Facebook.


Le franchiseur constate que le franchisé avait à tout le moins le projet de créer une activité concurrente, se traduisant par des actes préparatoires. Il résilie alors le contrat et demande réparation de son préjudice pour violation des obligations de non-concurrence, de loyauté et de bonne foi.


L’anticipation d’une activité concurrente constitue-t-elle une violation de la clause de non-concurrence ? La Cour de cassation répond par la négative : des actes préparatoires ne sont pas équivalents à une activité concurrente.


Le franchisé peut, sans violer la clause de non-concurrence stipulée au contrat de franchise ni les obligations de loyauté et de bonne foi contractuelles, accomplir des actes préparatoires à une activité concurrente de celle du franchiseur, à condition que cette activité ne débute effectivement qu'après l'expiration du contrat de franchise et de son engagement de non-concurrence.


Cass. com, 19-03-2025, n° 23-22.925



Annulation du mandat du syndic : demandez le remboursement des honoraires !


En 2020, l’assemblée générale des copropriétaires renouvelle le mandat d’un syndic. En 2022, cette assemblée générale est annulée. Une copropriétaire demande alors le remboursement des honoraires facturés par le syndic entre 2020 et 2022.


Le Tribunal judiciaire rejette la demande de remboursement. Le jugement retient qu'il ne peut être procédé rétroactivement à l'annulation des honoraires, le syndic ayant régulièrement exécuté sa mission pendant cette période et son mandat ayant été renouvelé à plusieurs reprises.


Mais la Cour de cassation casse la décision. Son arrêt rappelle que :


  • Le contrat de mandat du syndic doit préciser les éléments de détermination de sa rémunération.


  • Les personnes physiques ou morales qui exercent des fonctions de syndic de copropriété ne peuvent demander ni recevoir, directement ou indirectement, d'autres rémunérations que celles dont les conditions de détermination sont précisées dans le mandat ou dans la décision de nomination.


La Cour de cassation en déduit qu'en cas d'annulation de la décision d'assemblée générale ayant désigné le syndic, les honoraires perçus par celui-ci doivent être restitués au syndicat des copropriétaires.


Cass. civ., 3ᵉ, 27-02-2025, n° 23-14.697



Rubrique Flash infos





➥ Le retour des nouveaux modèles d’avis d'aptitude, inaptitude, et d’attestations


Des modèles d’avis d’aptitude, d’avis d’inaptitude, d’attestation de suivi individuel de l’état de santé et de proposition de mesures d'aménagement de poste avaient été publiés par un arrêté du 26 septembre 2024. Mais il avait été abrogé par un second arrêté du 5 novembre 2024, afin de reporter l’entrée en vigueur de ces documents.


Un arrêté du 3 mars 2025, publié au Journal officiel du 15 mars 2025, rétablit ces nouveaux modèles. Ils seront finalement applicables à partir du 1ᵉʳ juillet 2025.


➥ Publication du Règlement créant l'Espace européen des données de santé


Le règlement du 11 février 2025 relatif à l’espace européen des données de santé a été publié le 5 mars 2025. Il établit un cadre commun pour l’utilisation et l’échange de données de santé électroniques dans l’ensemble de l’UE. Ses objectifs sont notamment de garantir aux personnes l’accès direct à leurs données de santé, et d’assurer la continuité de la prise en charge des patients au sein de l’UE.



Rubrique Lectures juridiques





✔ Quatre députés ont mené une mission d’évaluation de la loi Egalim 2, trois ans après son entrée en vigueur. Leur rapport constate la difficulté de mesurer l’impact du texte, du fait du contexte économique national et international. Il présente 24 propositions visant à améliorer le dispositif existant, par un renforcement de la contractualisation, de la sanctuarisation du coût des matières premières agricoles et des sanctions.


✔ La DGCCRF a publié un nouveau plan stratégique 2025-2028. Parmi les enjeux stratégiques majeurs, il retient notamment l’adaptation aux nouvelles pratiques et exigences des consommateurs, et la transition numérique et technologique. L’un des objectifs mis en avant est ainsi d’atteindre la même protection des consommateurs sur Internet qu’en magasin.

 
 
 

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