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Actualités juridiques du 7 janvier 2025


Rubrique Droit des sociétés




Transformation en SAS avant cession des droits sociaux : à quelle date l’opération est-elle opposable à l’administration fiscale ?


Le 24 juillet 2012, une SARL est transformée en SAS par vote de l’assemblée générale extraordinaire, avec effet immédiat. Le lendemain, l’intégralité des actions de la SAS est cédée. La société acquéreuse dépose la déclaration de cession de droits sociaux le 3 août 2012 auprès du SIE, entrainant le paiement des droits d’enregistrement.


Le 7 août 2012, le procès-verbal de l’AGE ayant décidé de la transformation est enregistré auprès du SIE, puis publié dans un journal d’annonces légales le 1ᵉʳ septembre 2012.


En 2015, l'administration fiscale procède à des rappels de droits d'enregistrement. Elle considère que la cession portait sur des parts sociales de SARL et non sur des actions de SAS, puisque que les formalités de publicité du changement de forme sociale n'avaient pas été réalisées à la date de la cession. Or, le montant des droits d’enregistrement diffère suivant la nature des titres cédés (parts sociales ou actions).


La société acquéreuse conteste les rappels de droits appliqués. Toutefois, la Cour d’appel valide la position de l’administration : l'inscription sur le registre des mouvements de titres ne rend pas la transformation opposable à l'administration fiscale. De plus, la déclaration de cession des droits sociaux du 3 août 2012 ne permettait pas à l’administration de connaître la nouvelle forme de la société cédée. Enfin, les actes sujets à mention au RCS ne peuvent être opposés à l'administration fiscale que s'ils ont été publiés, de sorte que l'administration n'avait eu connaissance de la nouvelle forme de la société qu'au moment de la publication du PV d'AGE, le 7 août 2012.


La Cour de cassation censure cette décision. Les droits d'enregistrement applicables à une cession de droits sociaux sont liquidés selon la nature juridique de ces droits, déterminée à la date du fait générateur des droits d'enregistrement. Celui-ci correspond à la date du transfert de propriété, peu important qu'à la date de la soumission de l'acte de cession à l'enregistrement, la transformation dont la société a fait l'objet antérieurement n'ait pas été publiée au RCS.


Cass. com., 18-12-2024, n° 23-21.435



Rubrique Focus Droit bancaire




Rappels sur le contrôle par le juge des conditions d’octroi d’un prêt

Une banque accorde deux prêts à une société, dont la gérante se porte caution solidaire. Chaque contrat de prêt prévoit une clause pénale concernant le montant des indemnités forfaitaires de recouvrement.


Plusieurs échéances ne sont pas réglées, et le créancier assigne en paiement la société et la caution. La société est ensuite placée en liquidation judiciaire.


La débitrice estime que la banque a manqué à son devoir de mise en garde, notamment car elle ne s’est pas informée sur la faisabilité du projet financé par les prêts. De plus, elle demande au juge de réduire le montant des clauses pénales. Enfin, la caution met en avant la disproportion de son engagement pour contester le paiement demandé.


La Cour d’appel accueille toutes ces demandes, mais l’arrêt est cassé par la Cour de cassation :


1/ Sur le devoir de mise en garde

L’obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l'égard d'un emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt ne porte que sur l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur et sur le risque de l'endettement qui résulte de son octroi. Il ne porte pas sur l'opportunité ou les risques de l'opération financée.


2/ Sur la réduction du montant de la clause pénale

Le juge peut modérer une clause pénale contractuelle si elle est manifestement excessive. Ici, la Cour d’appel a simplement constaté qu'au regard des échéances réglées, du montant des emprunts, des circonstances particulières de la défaillance, et de l'intérêt que l'exécution partielle du contrat a procuré à la banque, il y avait lieu de réduire le montant des clauses pénales. Or, ces motifs sont impropres à établir le caractère manifestement excessif du montant de la clause pénale par rapport au préjudice effectivement subi.


3/ Sur la disproportion du cautionnement

Selon l’article L. 343-4 du Code de la consommation (applicable à cette date), un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus. La disproportion de cet engagement s'apprécie au regard de ses biens et revenus, en ce compris les parts qu'elle détient dans le capital de la société cautionnée, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. Or, la Cour d’appel a retenu la disproportion du cautionnement sans prendre en compte les parts sociales que détenait la caution au sein de la société débitrice.


Cass. com., 11-12-2024, n° 23-15.744


À retenir : 

1/ Le devoir de mise en garde des banques n’entraîne pas d’obligation d'alerter l’emprunteur sur l'opportunité ou la faisabilité du projet financé.

2/ Le juge ne peut modérer une clause pénale contractuelle que s’il existe des motifs démontrant le caractère manifestement excessif du montant de la clause pénale par rapport au préjudice effectivement subi.

3/ Pour apprécier la disproportion du cautionnement, il faut prendre en compte les parts sociales détenues par la caution au sein de la société débitrice.


Le devoir de mise en garde de la banque
Rubrique Droit social




Inaptitude du salarié : l’absence de démarches rapides de l’employeur constitue un manquement


Le 11 juin 2019, un salarié est déclaré inapte. L'employeur reprend le paiement de son salaire en septembre 2019 et propose un reclassement à l'étranger le 10 octobre 2019. Le salarié refuse cette proposition, et l'employeur consulte les autres sociétés du groupe pour un éventuel reclassement le 29 novembre 2019.


Le salarié saisit la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail le 31 janvier 2020. Il est finalement licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 26 mars 2020.


À l’appui de sa demande, le salarié invoque l’inertie de l’employeur, qui a manqué à ses obligations en le laissant dans une situation d'inactivité sans lui proposer de poste de reclassement ni le licencier. En effet, la Cour d’appel constate que l'employeur a tardé à engager la procédure de tentative de reclassement puis la procédure de licenciement. Mais elle juge que l'obligation de reclassement n'est pas enfermée dans un délai, donc cette lenteur ne peut pas constituer un manquement de la part de l'employeur.


Ce raisonnement est censuré par la Cour de cassation. Le salarié a été maintenu dans une situation d'inactivité forcée au sein de l'entreprise, le contraignant à saisir la juridiction prud'homale, ce qui constitue un manquement de l'employeur à ses obligations. Il revenait donc à la Cour d’appel de dire si un tel manquement était d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.


Cass, soc., 04-12-2024, n° 23-15.337



Rubrique Bon à savoir




Présomption de démission en cas d’abandon de poste : précision du Conseil d’État sur la mise en demeure


Pour mémoire, la loi du 21 décembre 2022 a instauré une présomption de démission du salarié qui abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de revenir à son poste dans le délai fixé par l’employeur.


Dans cette décision, le Conseil d’État rejette la demande d’annulation du décret du 17 avril 2023 encadrant ce dispositif de présomption de démission. Toutefois, il en profite pour préciser les modalités procédurales à respecter.


Le Conseil d’État indique que le salarié doit nécessairement être informé, lors de la mise en demeure, des conséquences que peut avoir l’absence de reprise du travail sans motif légitime. À défaut, sa démission ne peut pas être présumée.


CE, 18-12-2024, n°473640 et a.



Quelles dates prendre en compte pour calculer le délai de mise en œuvre d’une garantie de passif ?


Lors de la cession de la totalité des actions d’une société, les parties prévoient une garantie de passif. La clause stipule que le bénéficiaire doit notifier tout redressement fiscal ou social au garant dans un délai de 15 jours calendaires à compter de sa survenance.


Le 12 décembre, l’administration fiscale expédie un courrier notifiant un redressement à la société cédée, qui le reçoit le 14 décembre. Le bénéficiaire transmet ensuite cet avis au garant.


La Cour d’appel prononce la déchéance des droits à la garantie. Pour cela, elle constate que l’appel en garantie a été reçu par le cédant après le 27 décembre, soit plus de 15 jours après la date d'expédition du courrier par l’administration fiscale.


Mais ce raisonnement n’est pas suivi par la Cour de cassation. Elle rappelle que selon l'article 668 du Code de procédure civile, la date de la notification par voie postale est, à l'égard de la partie qui y procède, celle de l'expédition, et, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de réception de la lettre.


Ainsi, la Cour estime que le délai de notification doit ici être calculé entre la date de réception par la société cédée du courrier l’informant de son redressement fiscal et la date à laquelle le bénéficiaire a adressé ce redressement au garant.


Cette solution favorable au bénéficiaire démontre l’importance de rédiger avec précision les clauses de garanties de passif, notamment concernant les dates à prendre en compte.


Cass. com., 06-11-2024, n° 23-17.551



Rubrique Flash infos




➥ Dans son communiqué du 30 décembre 2024, le ministère du Travail annonce la reconduction en 2025 de l'aide à l'embauche des apprentis. Elle sera d’un montant de 5 000 € pour l’embauche d’un apprenti au titre de la première année du contrat pour les entreprises de moins de 250 salariés, et de 2 000 € pour les autres entreprises. Le décret instaurant cette aide doit être publié courant janvier 2025.


➥ Un arrêté du 17 décembre 2024 fixe les taux de l’intérêt légal applicables au cours du premier semestre 2025. Pour les créances des personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels, il est de 7,21 %. Pour tous les autres cas, il est de 3,71 %.



Rubrique Lectures juridiques




✔ Le Comité européen de la protection des données (CEPD) a publié le 18 décembre 2024 son avis sur les traitements de données personnelles impliqués par les modèles d'IA, dans leur phase de développement ou dans leur utilisation. Il s’agit de la première position européenne et harmonisée en la matière.


✔ La Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) a publié le 2 décembre 2024 sa recommandation n° 24-1 relative aux clauses de révision et de renégociation du prix dans les relations entre industriels et distributeurs. Le guide dresse un état des lieux et identifie les bonnes pratiques à mettre en œuvre.

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